C’est une période assez inédite. L’économie mondiale montre des signes apparents de résilience et de stabilité (l’optimisme des grandes entreprises manufacturières japonaises – qui est un bon baromètre du commerce mondial – est en hausse, par exemple).  En même temps, les signaux faibles confirmant que les prochains trimestres vont être compliqués s’accumulent (hausse des taux de rendement sur le marché obligataire, chute de certaines composantes de la consommation, flambée des coûts d’emprunt pour les particuliers et les entreprises etc.). Les problématiques structurelles (comme l’approvisionnement en matières premières nécessaires pour la transition énergétique) se renforcent également.

 

Faites une pause, c’est l’édito de Christopher Dembik !

L'édito de Christopher DEMBIK

 

Dans une économie mondialisée qui reste dominée par les Etats-Unis, l’enjeu pour un prévisionniste est de suivre de près l’évolution de la liquidité en dollar. Autrement dit, le nombre de dollars en circulation au niveau mondial. C’est un moteur essentiel de la croissance économique. Malheureusement, depuis déjà quelques trimestres, la liquidité en dollar au niveau mondial est en contraction. Habituellement, c’est un indicateur avancé fiable de remous économiques et financiers à venir. Par exemple, souvenez-vous de 2015 et de la dévaluation du yuan chinois. Par ailleurs, souvenez-vous également de 2018 et de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, etc. Il est fort probable que le deuxième semestre soit un peu plus périlleux que le premier semestre (qui n’était pas non plus un très bon cru avec une récession technique en zone euro).

 

Une inflation structurelle (oui ! on le dit depuis un moment)

 

L’inflation est l’autre casse-tête de l’économie mondiale. De nos jours, il ne fait plus de doutes qu’elle est en grande partie structurelle. Cela signifie qu’il est illusoire d’espérer renouer avec une cible d’inflation à 2% dans les grandes économies développées. A moyen terme, l’inflation devrait évoluer entre 2-3% en zone euro et 3-4% aux Etats-Unis. Cela semble peu. Mais de tels niveaux changent complètement la donne. Cela implique notamment de devoir créer et mieux répartir la richesse – ce qui était moins le cas lorsque l’inflation était sous 2%.

Pour les particuliers, cela signifie aussi qu’il va falloir certainement regarder ailleurs que les livrets réglementés pour sauver son épargne. Seuls 6% des Français affirment détenir des actions. Il va falloir regarder du côté de la bourse dans les années à venir. Ce n’est pas un choix. C’est une nécessité.

 

Un taux d’emprunt immobilier proche de 5% n’est pas une anomalie

 

En outre, les banques centrales ont bien compris que pour éviter que l’inflation ne se stabilise à des niveaux supérieurs (qui sont insoutenables à long terme), il faut taper fort, donc augmenter significativement le loyer de l’argent. C’est pour cela que les taux d’emprunt bondissent. Un taux d’emprunt immobilier proche de 5%, ce n’est pas une anomalie, c’est désormais la nouvelle normalité. On peut évidemment redouter, dans ce contexte, une nouvelle crise de la dette souveraine car l’augmentation des taux frappe d’abord les Etats.

 

Les banques centrales restent des market makers

 

Soyons rassurés sur ce point, les banques centrales restent des market makers sur ce segment précis du marché, c’est-à-dire qu’elles ont parfaitement les moyens d’éteindre un début d’incendie si cela devait survenir. En revanche, la casse est en train de se faire au niveau des entreprises qui ont peu de trésorerie et des besoins en refinancement importants (les défaillances explosent au niveau des TPE, même si on reste, pour le moment, sous les niveaux d’avant-Covid). Les conditions de refinancement sont désormais prohibitives.

Ne parlons même pas du segment du private equity et des start-ups, il est dorénavant plus facile de lever de la dette (à un coût élevé) que du capital. En revanche, c’est peut-être le bon moment pour s’intéresser aux fonds de private equity. Très souvent, les particuliers commettent l’erreur d’investir lorsque les valorisations sont élevées. Elles sont en chute libre actuellement.

 

Trois différences

 

Il y a trois différences majeures par rapport aux crises précédentes : l’inflation qui oblige à maintenir des taux élevés (nous en avons parlé), une économie en changement structurel du fait de choix politiques (la transition énergétique) et l’absence de relais de croissance. En 2010, l’économie mondiale est sortie de la grave crise financière de 2007-2008 essentiellement grâce au stimulus chinois. Ce ne sera pas le cas cette fois-ci. La Chine opte pour un pilotage fin de son économie qui l’oblige à jongler entre le dégonflement de bulles structurelles et la relance de l’économie.

En outre, la transition énergétique telle qu’elle est menée en Europe constitue une répression économique importante. Elle stimule à la marge l’économie avec un excès de subventions publiques (un haut responsable de chez Dalkia m’a confié que l’hydrogène est « une course aux subventions »). Mais elle est tellement mal conduite qu’elle va conduire à la mise en place de réglementations contraignantes qui vont comprimer l’économie. Prenons un exemple : l’accès aux matières premières stratégiques (lithium, germanium, gallium etc.).

 

Nous risquons d’être dépendant de la bonne volonté chinoise concernant l’accès aux matières premières stratégiques

 

L’Europe a depuis plusieurs années un objectif d’autonomie stratégique mais il y a zéro anticipation. L’électrification est certainement nécessaire mais pour que ce ne soit pas un fiasco économique il faut créer une filière européenne intégrée (en mettant en avant le recyclage) et aussi sécuriser la chaîne d’approvisionnement. Concrètement, où trouvons-nous les métaux rares qui ne sont pas disponibles sur notre sol ou qui, s’ils le sont, induisent une exploitation trop polluante ? Pour l’instant, bien peu est fait. Nous risquons d’être dépendant de la bonne volonté chinoise concernant l’accès aux matières premières stratégiques (ce qui est déjà, objectivement, le cas).

 

A moyen terme, le risque est que l’Europe soit confrontée à un appauvrissement lent de sa population

 

A moyen terme, le risque est que l’Europe soit confrontée à un appauvrissement lent de sa population, à une transition énergétique qui sera loin d’être optimale (ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas investir sur des fonds positionnés sur cette thématique) et à une dépendance accrue envers nos partenaires (la Chine au niveau des matières premières et les Etats-Unis au niveau de la technologie, en particulier sur le créneau de l’intelligence artificielle).

On peut toujours espérer que ce soit moins pire que prévu. En témoigne la capacité de l’Europe à ce que la crise énergétique soit finalement moins douloureuse qu’anticipée. Mais on peut être dubitatif sur la capacité de l’Europe à réussir une transition énergétique en moins de quinze ans alors qu’historiquement de tels processus prennent au moins cinquante ans et se font avec beaucoup de pertes et fracas. Serions-nous meilleurs que nos ancêtres et que le reste de la planète ? On peut en douter…

 

Découvrez qui est Christopher DEMBIK en regardant la présentation vidéo ci-dessous.

Christopher DEMBIK

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