Réforme de la fiscalité locative : Vers un rééquilibrage entre location nue et meublée ?
Le marché locatif en France est en pleine mutation, et les contribuables qui s’intéressent à l’investissement immobilier doivent comprendre les évolutions récentes et à venir pour anticiper les impacts futurs sur leurs stratégies. La députée du Finistère, Annaïg Le Meur, a récemment remis ses conclusions concernant la fiscalité locative. Cette mission, pilotée depuis novembre 2023, fait suite à la volonté de l’exécutif de rééquilibrer le marché locatif et de faire face aux défis engendrés par les hausses des taux d’intérêt et la complexité du cadre fiscal actuel.
Dans cet article, nous allons tenter de vous expliquer en quoi consistent ces réformes et comment elles pourraient influencer vos futurs investissements locatifs.
Réforme de la fiscalité locative
Un contexte de déséquilibre du marché locatif
Le marché immobilier français, en particulier le marché locatif, a connu de nombreux bouleversements ces dernières années. La hausse brutale des taux d’intérêt et le durcissement des conditions de prêt bancaire ont provoqué une chute des ventes immobilières. En conséquence, cette situation a entraîné une baisse significative des mises en location longue durée, perturbant l’offre locative traditionnelle.
L’essor des locations meublées
Simultanément, nous avons observé une croissance rapide des offres de location meublée, que ce soit pour des baux longue durée ou des locations touristiques de courte durée. Ce phénomène s’explique en grande partie par le cadre fiscal plus avantageux dont bénéficient les loueurs en meublé, en comparaison avec les bailleurs proposant des locations nues.
En effet, les locations meublées, soumises au régime des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC), permettent aux propriétaires de bénéficier d’abattements fiscaux plus importants, voire d’une exonération totale dans certains cas. À l’inverse, la location nue est soumise à une imposition sous le régime des revenus fonciers, souvent plus contraignante. Ce déséquilibre fiscal incite donc de nombreux investisseurs à privilégier la location meublée au détriment de la location nue, créant un fossé grandissant entre ces deux types de baux et un marché locatif déséquilibré qui ne répond plus aux besoins des résidents, notamment pour les résidences principales.
Un manque d’offre locative abordable
Les conclusions de la mission menée par Annaïg Le Meur mettent en lumière une problématique majeure : de plus en plus de Français peinent à trouver une offre locative accessible, particulièrement dans certaines grandes villes où la concurrence avec les locations meublées touristiques est forte. Les ménages modestes, les jeunes actifs et même certains salariés ont de plus en plus de difficultés à se loger en raison de la hausse des loyers ou d’une offre insuffisante.
Cette situation constitue un obstacle majeur pour l’accès au logement, notamment en ce qui concerne les résidences principales. Il est donc impératif de revoir le cadre fiscal afin de restaurer un certain équilibre et d’encourager l’investissement dans la location longue durée à des loyers abordables.
Les propositions de réforme pour rééquilibrer le marché
Pour répondre à ces défis, plusieurs propositions de réforme ont été présentées dans le cadre de cette mission. Ces réformes visent essentiellement à simplifier et rééquilibrer la fiscalité entre location nue et meublée, tout en encourageant les bailleurs à investir dans des logements destinés à la location longue durée.
Fusion des régimes fiscaux de la location nue et meublée
L’une des mesures phares envisagées est la fusion des régimes fiscaux de la location nue et de la location meublée non professionnelle. Actuellement, la location nue est soumise au régime des revenus fonciers, tandis que la location meublée relève des BIC. Ce déséquilibre fiscal est considéré comme injuste par une majorité d’acteurs du secteur, car il incite fortement les investisseurs à se tourner vers la location meublée.
Pour unifier ces régimes, plusieurs scénarios ont été proposés. Le premier scénario présente un régime micro-foncier avec un abattement forfaitaire de 40 % sur les revenus jusqu’à 30 000 €, sans possibilité de déduire les amortissements pour ceux qui optent pour le régime réel. Un deuxième scénario propose un abattement de 40 % pour les locations de longue durée et de 30 % pour les locations courtes, afin de favoriser la résidence principale. Ce scénario prévoit aussi une variante avec un abattement de 50 % pour les locations longues durées. Enfin, le troisième scénario propose un abattement similaire à celui du deuxième scénario, avec en plus la possibilité d’amortir 2 % par an pour les locations de longue durée.
Ces différentes options visent à rendre la location nue plus attractive sur le plan fiscal et à inciter les investisseurs à privilégier les baux de résidence principale, essentiels pour répondre à la demande de logements abordables.
Renforcement des dispositifs « Loc’Avantages » et « Denormandie »
Un autre axe de réforme consiste à renforcer des dispositifs existants tels que Loc’Avantages et Denormandie. Ces dispositifs permettent déjà aux propriétaires de bénéficier d’avantages fiscaux en échange d’un engagement à proposer des loyers plafonnés ou à entreprendre des travaux de rénovation énergétique. En renforçant ces programmes, l’objectif est de promouvoir une offre de logements accessibles à un plus grand nombre, tout en garantissant des biens de meilleure qualité.
Suppression progressive des avantages fiscaux pour les loueurs en meublé non professionnels
La mission propose également de supprimer progressivement, sur plusieurs années, la déductibilité des amortissements pour les loueurs en meublé non professionnels (LMNP). Actuellement, ces investisseurs peuvent déduire les amortissements de leur bien, ce qui permet souvent de réduire considérablement, voire d’annuler leur imposition. L’objectif est d’aligner le régime fiscal de la location meublée sur celui de la location nue, afin de limiter les avantages fiscaux accordés aux loueurs en meublé non professionnels et de rééquilibrer le marché.
Un rééquilibrage nécessaire pour le marché locatif
Au final, ces réformes visent à simplifier le cadre fiscal tout en rétablissant un équilibre entre location nue et location meublée. Encourager les investisseurs à se tourner vers la location longue durée est essentiel pour répondre à la demande croissante de logements accessibles, notamment dans les zones tendues où l’offre locative est insuffisante.
Impacts pour les investisseurs immobiliers
Ces réformes auront un impact significatif sur les stratégies d’investissement immobilier. Les investisseurs, en particulier ceux qui se concentrent actuellement sur la location meublée, devront réévaluer leurs projets et envisager de diversifier leur portefeuille en intégrant des locations nues. Avec le renforcement des dispositifs comme Loc’Avantages et Denormandie, investir dans des logements à loyers abordables pourrait s’avérer être une option intéressante sur le plan fiscal.
En conclusion, la mission confiée à Annaïg Le Meur ouvre la voie à une nouvelle ère pour l’investissement locatif en France, en mettant l’accent sur l’accessibilité et la durabilité du marché locatif. Ces réformes, bien que complexes, sont indispensables pour rétablir un équilibre entre les différents types de location et garantir une offre locative adaptée aux besoins de la population.