Un nouvel impôt à la logique floue

 

L’idée de taxer la fortune « improductive » vise à réorienter l’épargne vers l’économie réelle. L’objectif semble vertueux. Mais les détails du projet révèlent un flou juridique important. Le texte ne définit pas précisément ce qui est improductif. Il ne dit pas non plus comment mesurer cette improductivité. Ce vide sémantique ouvre la porte à des interprétations multiples. Pour les épargnants, cette incertitude rend la planification patrimoniale presque impossible.

Un bon impôt doit être clair. Il doit reposer sur une base lisible et stable. Ici, c’est tout l’inverse. Le contribuable ne sait pas s’il sera concerné. Et s’il l’est, il ne sait pas à quel niveau ni sur quels actifs. Cette imprécision nuit à la confiance. Elle alimente aussi un sentiment d’arbitraire dangereux, surtout en matière patrimoniale.

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Fortune improductive, impôt injuste

 

Le cas de l’immobilier locatif : un contresens économique

 

 

L’immobilier locatif est d’abord présenté comme un actif exclu de l’assiette. Cette orientation allait dans le bon sens. Louer un bien contribue à loger la population. C’est un acte socialement utile. Pourtant, les parlementaires ont supprimé cette exception. Du jour au lendemain, un logement loué redevient « improductif ». Le signal est déroutant. Pire, il est décourageant.

Le marché immobilier traverse déjà une crise. La hausse des taux d’emprunt freine les nouveaux projets et la rentabilité locative s’effondre dans certaines zones. Les règles techniques, fiscales et énergétiques se durcissent. Ajouter une pression fiscale supplémentaire fragilise les investisseurs. Certains pourraient se détourner durablement du locatif. Le résultat serait une pénurie aggravée de logements accessibles. Ce n’est pas seulement un mauvais calcul économique. C’est un mauvais choix politique.

 

 

Les fonds euros de l’assurance-vie de droit Français : la cible surprise

 

 

Les contrats en fonds euros constituent le pilier de l’épargne longue des Français. Ils rassurent par leur sécurité. Ils attirent grâce à une garantie en capital et permettent aussi de transmettre efficacement. Ces supports représentent environ 1.700 milliards d’euros d’encours. Ce n’est pas de l’argent qui dort. C’est une épargne mobilisée pour financer les dettes de l’État, les collectivités, les entreprises.

Le projet de réforme inclut pourtant ces fonds dans la future assiette taxable. Cette inclusion envoie un signal contradictoire. D’un côté, l’État cherche à se financer sur les marchés. De l’autre, il pénalise ceux qui le financent via leur épargne. L’épargnant prudent devient la cible. Cette logique risque de provoquer une défiance. Et à long terme, elle affaiblit un des outils de financement les plus puissants de notre économie.

 

 

Une fiscalité brutale et sans nuance

 

 

L’actuel IFI fonctionne par tranches progressives. Chaque niveau de patrimoine se voit imposé à un taux croissant. Ce principe respecte une forme d’équité. Le nouveau projet balaie cette progressivité. Il propose un taux unique de 1 %, appliqué dès le premier euro taxable. Ce choix crée un effet de seuil violent. Un contribuable qui dépasse le seuil de quelques milliers d’euros subira une taxation intégrale. Son voisin, en dessous du seuil, n’aura rien à payer.

Cette rupture avec la progressivité est rare. Elle crée des inégalités de traitement et accentue l’injustice ressentie par ceux qui sont juste au-dessus du seuil. C’est exactement l’effet inverse de ce que recherche une réforme juste. L’impôt devient perçu comme arbitraire, et donc injuste. Ce type de mécanique est explosif, surtout en matière de fiscalité du patrimoine.

 

 

Les unités de compte, un passe-droit technique ?

 

 

Les unités de compte (UC) sont aujourd’hui exonérées du projet d’impôt sur la fortune improductive. Pourtant, elles peuvent contenir les mêmes classes d’actifs que les fonds euros. On y trouve des obligations, des produits monétaires ou des actifs peu risqués. Pourquoi alors épargner les UC ? Aucun argument économique ne le justifie.

Cette incohérence risque de provoquer un afflux massif de capitaux vers les UC. Pas pour leur performance, mais pour éviter l’impôt. Ce mouvement artificiel pourrait déstabiliser les assureurs. Leurs engagements long terme reposent sur l’équilibre entre fonds euros et UC. Modifier brutalement cette répartition menace leur solvabilité. Ce type d’effet secondaire est souvent sous-estimé dans les débats parlementaires. Pourtant, ses conséquences peuvent être durables et profondes.

 

 

Œuvres d’art et fiscalité : une double menace

 

 

Le texte prévoit d’inclure les biens meubles corporels dans l’assiette. Cela concerne aussi les œuvres d’art. Sur le plan technique, cette mesure pose de vrais problèmes. Comment évaluer correctement une œuvre ? À quelle date, selon quelle méthode, avec quel expert ? Les incertitudes sont nombreuses et les risques de contentieux le sont tout autant.

Mais surtout, cette fiscalisation pourrait provoquer un exode. Certains propriétaires préfèreront vendre ou transférer leurs pièces à l’étranger. Le marché de l’art français perdrait alors en attractivité. La culture en paierait le prix. Et notre rayonnement patrimonial aussi. Cette conséquence culturelle mériterait au moins un débat approfondi. Car une œuvre qui quitte le territoire ne revient pas facilement.

 

 

Un climat fiscal qui se dégrade

 

 

La multiplication des réformes patrimoniales crée un sentiment d’instabilité. Depuis vingt ans, les règles changent sans cesse. ISF, TEPA, flat tax, IFI, plafonnements divers… Les épargnants ne savent plus sur quel pied danser. Cette instabilité freine les prises de décisions. Elle incite à la prudence excessive et pousse parfois à la délocalisation des capitaux.

La réforme actuelle accentue cette tendance. Elle modifie encore les règles et introduit une assiette floue. En somme, elle remet en cause les placements jugés sûrs. En voulant corriger une injustice perçue, elle en crée d’autres, bien réelles et fragilise la relation entre l’État et les contribuables. Et surtout, elle affaiblit le socle sur lequel repose l’investissement à long terme : la confiance.

 

 

L’incitation, bien plus efficace que la punition

 

 

Pourtant, il existe des moyens plus efficaces pour réorienter l’épargne. L’incitation fiscale fonctionne mieux que la sanction. On peut flécher l’épargne vers les PME. Par ailleurs, on peut renforcer l’attractivité des fonds à impact, ou encore, améliorer la lisibilité des produits d’épargne verte. Et surtout, on peut former les épargnants. Leur donner les clés pour comprendre et agir.

L’État dispose de nombreux leviers. Mais pour les activer, il doit d’abord instaurer un climat de confiance. Ce climat repose sur la stabilité, la clarté et l’équité. Ce n’est pas en créant un nouvel impôt mal calibré qu’on y parviendra.

 

 

Conclusion : un projet à repenser en profondeur

 

 

L’impôt sur la fortune improductive repose sur une idée de départ compréhensible. Mais sa mise en œuvre rate la cible. Il taxe des actifs utiles et punit des comportements responsables. Ainsi, il génère de l’incertitude. Et il crée plus de déséquilibres qu’il n’en corrige.

Réformer la fiscalité patrimoniale est possible. Mais cela demande méthode, rigueur et vision de long terme. L’urgence n’est pas de taxer plus. L’urgence est de mieux orienter. De mieux accompagner. Et de restaurer une confiance qui s’effrite, année après année.

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