Goldman Sachs démarre 2026 avec un message clair : la croissance mondiale devrait rester « solide » et dépasser le consensus. La banque table sur une progression du PIB mondial de 2,8 % contre 2,5 % anticipés par la moyenne des prévisionnistes. Cette différence semble modeste. Elle change pourtant le récit pour les marchés et la construction de portefeuille. Elle suppose des économies capables d’absorber les chocs passés, d’encaisser des taux réels encore positifs et de tirer parti de l’onde d’investissement liée à l’IA et aux infrastructures. Surtout, elle place les États-Unis en tête du peloton au sein des grandes économies avancées.
Croissance 2026 : l’écart se creuse
Dans le détail, les économistes de Goldman Sachs misent sur une Amérique à 2,6 % de croissance, nourrie par un assouplissement des conditions financières, par la baisse de l’« impôt » des tarifs douaniers par rapport au choc initial et par des baisses de taux menées sans récession. Ce scénario n’ignore pas les poches de faiblesse sur l’emploi. Il considère toutefois que la désinflation et la demande privée fourniront suffisamment d’élan. L’Europe resterait plus en retrait, mais pas immobile : l’ensemble de la zone euro avancerait d’environ 1,3 %, avec un soutien budgétaire attendu en Allemagne et un dynamisme espagnol qui compenserait partiellement la lenteur de la France et de l’Italie. La Chine, elle, progresserait autour de 4,8 %, tirée par les exportations malgré une demande intérieure atone. Face à ce cadrage, le mot d’ordre de la banque est limpide : « croissance robuste, emplois atones, prix stables ».
Pourquoi cette lecture diffère-t-elle du consensus ?
Parce que les facteurs cycliques et structurels se mélangent autrement. Côté cyclique, Goldman Sachs s’attend à des baisses additionnelles de taux de la Fed tout en évitant un atterrissage brutal. La banque voit aussi une normalisation graduelle des chaînes d’approvisionnement, un reflux de l’inflation sous-jacente et une modération des coûts de financement sur l’année. Côté structurel, elle met en avant l’IA, la réarchitecture des échanges et la remise à niveau des réseaux énergétiques et numériques. Ces trois « catalyseurs » réorientent le capex des entreprises et le capex public, avec un effet d’entraînement sur la productivité et les marges.
Cette approche irrigue tout l’« Investment Outlook 2026 » de Goldman Sachs Asset Management. Le document insiste sur la nécessité de rester investi et actif, d’élargir le champ des moteurs de performance, et de rééquilibrer les portefeuilles entre revenus, croissance et protections. Il détaille aussi la nouvelle donne monétaire : après un vaste cycle d’assouplissement entamé fin 2025 par la plupart des grandes banques centrales, 2026 ressemblerait davantage à une phase de pause qu’à une franche accélération des coupes. La Fed pourrait encore réduire ses taux si le marché du travail se dégrade, tandis que l’ECB se montrerait plus prudente, prête à recouper si l’inflation retombait sous sa cible. Le Royaume-Uni devrait poursuivre l’assouplissement, quand le Japon reste engagé dans un régime de taux plus élevés. Pour un investisseur obligataire, cela signifie des opportunités de valeur relative entre souverains et sur les pentes de courbe, plutôt qu’un simple pari directionnel.
Là où le document prend position, c’est sur la réallocation sectorielle et géographique
Les États-Unis gardent la prime de qualité bénéficiaire. Cependant, la banque anticipe une « broadening » du marché actions en 2026 : l’IA ne se résume plus à quelques mégacaps. Les « facilitateurs » – fabricants d’équipements, de composants, d’alimentation électrique, d’outillages logiciels – captent une part croissante de la dépense. Les valeurs liées aux réseaux électriques, au stockage, aux data centers et à la transmission d’énergie sortent du rang. En Asie, le Japon profiterait de salaires en hausse, d’une politique monétaire prévisible et d’un yen plus faible, avec un supplément de performance pour les exportateurs. En Europe, le redressement de l’investissement, nourri par la transition énergétique, la défense et la modernisation des infrastructures, offre un angle d’attaque plus lisible que la seule reprise de la consommation.
Le commerce mondial, bien sûr, reste une variable. Goldman Sachs souligne qu’après le choc tarifaire initial, l’économie s’est ajustée. Des accords bilatéraux partiels stabilisent l’environnement, même si la fragmentation demeure un risque. La banque note que les marchés ont surtout « intériorisé » un déplacement ponctuel des prix, plutôt qu’une spirale. Autrement dit, la tarification des actifs intègre l’idée d’une inflation importée moins envahissante que redouté. C’est une hypothèse clé : elle conditionne l’ampleur des baisses de taux et la trajectoire des marges. Elle explique aussi pourquoi la maison se montre plus confiante que d’autres institutions internationales, qui retiennent encore un ralentissement marqué en 2026.
Quelle conséquence la plus immédiate pour un épargnant français
La conséquence la plus immédiate pour un épargnant français concerne la construction de portefeuille. En obligations, la banque privilégie une diversification active. Les obligations d’entreprises de bonne qualité retrouvent du sens dans un monde de taux nominaux en détente et de primes encore généreuses. Le haut rendement reste sélectif : la discipline de crédit devient déterminante, tout comme la gestion de la liquidité. Sur les dettes émergentes, la perspective de baisses de taux supplémentaires, combinée à un dollar un peu moins fort, redonne de la marge, mais impose une lecture pays par pays. Enfin, les maturités courtes des bons du Trésor américain peuvent encore jouer un rôle de poche de liquidité rémunérée, tant que le différentiel de rendement reste attractif par rapport à l’inflation attendue.
Côté actions, l’idée de marché « plus large » plaide pour une gestion qui dépasse les seules vedettes techno. Les gérants fondés sur les flux de trésorerie, l’avantage compétitif et le prix payé, retrouvent un terrain fécond. L’IA agit comme une infrastructure horizontale : elle booste la demande d’électricité, de réseaux, de semi-conducteurs spécialisés, de logiciels d’automatisation et de cybersécurité. Ce sont des thèmes porteurs, mais la dispersion des performances s’annonce forte. Les leaders qui investissent pour étendre leur marché ne seront pas notés comme ceux qui investissent pour préserver une rente. L’équipe de Goldman Sachs suggère ici de rechercher les « pioches et pelles » de la ruée vers l’IA, surtout chez les mid caps bien positionnées sur des niches.
Les actifs réels et les alternatives complètent le tableau
Après la remontée des taux, l’immobilier revient progressivement dans les portefeuilles au travers d’expositions plus ciblées : logistique spécialisée, data centers, logements abordables ou actifs réhabilités énergétiquement. Les infrastructures, elles, gagnent en visibilité grâce aux besoins massifs de modernisation des réseaux de transport et d’énergie. La banque insiste sur l’intérêt croissant des « mid-market deals », où l’actionnariat actif peut créer de la valeur par l’expertise opérationnelle. Dans un monde de risques binaires plus fréquents, les stratégies de couverture de queue retrouvent aussi leur place, surtout si elles s’achètent quand la volatilité implicite reste raisonnable.
Reste le chapitre des risques. Le premier concerne l’emploi. Goldman Sachs parle d’emplois « stagnants » : l’IA et l’automatisation peuvent freiner les créations nettes, même si la productivité s’améliore. Un refroidissement plus marqué du marché du travail américain forcerait la Fed à accélérer ses coupes, au risque d’envoyer un signal de faiblesse. Le second risque vient des conflits géopolitiques et des tensions commerciales. Le troisième tient au prix des actifs, notamment technologiques, si l’euphorie prenait le pas sur la discipline de valorisation. Enfin, la fragmentation financière, avec la montée des acteurs non bancaires moins régulés, demande une vigilance accrue du côté du crédit. Aucune de ces menaces n’invalide le scénario central. Elles justifient une gestion active, la diversification et un calibrage précis des poches défensives.
À ce stade, faut-il parier sur une « année facile » ?
Non. La différence entre 2,5 % et 2,8 % de croissance mondiale ne garantit rien. Elle indique en revanche que, pour une fois, la macro ne serait pas l’ennemie du porteur de risque. Les revenus croîtront suffisamment pour porter les bénéfices, même si les multiples se stabilisent. Les baisses de taux aideront, sans faire tout le travail. Et l’investissement privé, dopé par l’IA et la transition énergétique, restera la colonne vertébrale du cycle. La leçon est simple : rien ne remplace l’allocation rigoureuse, l’exigence de qualité et l’attention aux prix payés.
Pour un investisseur patrimonial, la traduction pratique s’articule en trois volets. D’abord, maintenir une poche d’obligations de qualité avec des maturités échelonnées, pour capter la détente des taux tout en sécurisant des coupons décents. Ensuite, élargir l’exposition actions au-delà des géants américains de la tech, vers les industries et services qui rendent possibles l’IA et l’électrification. Enfin, rouvrir progressivement la porte aux actifs réels et aux alternatives liquides, en privilégiant les stratégies où le gestionnaire peut agir sur la création de valeur. Ce triptyque n’a rien de spectaculaire. Il colle au monde tel qu’il est décrit par Goldman Sachs : complexe, mais riche en catalyseurs.
En filigrane, ce scénario suppose une Europe plus volontariste
L’Allemagne prépare un effort budgétaire et industriel qui, s’il se concrétise, pourrait relever la trajectoire de croissance de la zone. Loin des incantations, la banque observe déjà un redressement du ratio capex/chiffre d’affaires dans les entreprises européennes, signe d’un basculement vers des stratégies plus intensives en actifs. Là encore, la patience comptera : la mise en œuvre reste le maillon faible. Mais si les chantiers avancent, les portefeuilles européens bénéficieront d’un nouvel ancrage, moins dépendant du cycle mondial pur.
En somme, l’écart entre la lecture de Goldman Sachs et celle du consensus ne relève pas d’un simple optimisme de maison. Il traduit un diagnostic : l’économie mondiale a absorbé des chocs inédits, appris à fonctionner avec des frictions commerciales, et s’apprête à engranger les premiers dividendes d’une vague d’investissement sans précédent. Rien n’assure que le chemin sera rectiligne. Tout indique en revanche que, pour 2026, les actifs risqués peuvent s’appuyer sur une croissance « suffisante » pour élargir la performance au-delà d’une poignée de noms. À condition d’accepter l’idée que la meilleure protection reste une allocation cohérente, vivante et disciplinée.
Source : Goldman Sachs Asset Management
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