Immobilier : Ça va tanguer !

Les oiseaux de mauvais augure finissent toujours par avoir raison. L’économiste Marc Touati annonçait en 2014 (pile au moment où les taux d’intérêt ont commencé à s’affaisser) une baisse des prix de l’immobilier d’environ 10 % d’ici à 2016. Cela ne s’est pas produit, comme tout le monde a pu le constater.

Mais l’environnement économique qui a porté à la hausse l’immobilier français fait désormais partie de l’ancien monde. Nous sommes entrés dans un monde de taux durablement élevés (même si les taux réels, qui prennent en compte l’inflation, sont encore historiquement bas) et d’inflation en partie structurelle qui rogne le pouvoir d’achat des ménages.

La baisse (qui est déjà amorcée) va s’accentuer dans les mois à venir. C’est quasiment inévitable. En revanche, il faut faire la part des choses. La situation française est spécifique. Il n’y a pas d’éclatement de bulle en perspective.

 

Faites une pause, c’est l’édito de Christopher Dembik

L'édito de Christopher DEMBIK

Retrouvez Christopher Dembik parmi les « Jedi de l’économie » dans l’émission c’est votre argent sur BFM Business le vendredi 16 décembre à 20 h

 

Rien à voir avec les Etats-Unis

La France, ce ne sont pas les Etats-Unis. En effet, l’ajustement du marché immobilier est très brutal de l’autre côté de l’Atlantique. Et selon les données du promoteur immobilier Redfin, plusieurs grandes villes américaines connaissent un effondrement des prix à la vente ces derniers mois.

Depuis mai 2022, la chute est de 14 % à San José, de 10 % à Austin et de 9 % à San Francisco. Tout cela, en seulement sept mois ! Pour l’instant, l’éclatement en cours de la bulle touche essentiellement la Californie et le Texas. Les autres Etats sont plutôt épargnés ce qui laisse à penser qu’il n’y aura pas d’effondrement similaire à celui des années 2007-2010.

De telles variations sur un laps de temps si court sont sans commune mesure avec ce qu’on peut anticiper pour la France. A l’inverse des Etats-Unis, il y a au moins deux éléments stabilisateurs en France qui permettent d’éviter un tel scénario noir : les taux d’intérêt fixes et un endettement des ménages comparativement faible (il représente 124 % du revenu net disponible contre une pointe à 249 % au Danemark, par exemple).

 

Le problème, c’est encore et toujours l’inflation

 

Pour autant, les prix immobiliers vont chuter dans les mois à venir. Les fondamentaux économiques qui ont porté le marché pendant ces cinq dernières années sont en train de changer. Le problème se situe surtout du côté de la demande. Pour faire simple, avec la hausse des taux d’intérêt pratiquée par les banques commerciales et qui est liée aux politiques monétaires restrictives, l’inflation et les hausses de salaire qui ne suivent pas, la demande solvable se réduit drastiquement.

Prenons un exemple :

En 2019 (juste avant la Covid), un couple qui gagnait 3000 Є et remboursait 1000 Є par mois pouvait emprunter environ 250 000 Є avec Taux Effectif Global (TEG – c’est le taux prenant en compte tous les frais obligatoires liés à un emprunt immobilier) à 1,50 %.

Aujourd’hui, c’est 211 000 Є avec un TEG à 3 %. Et encore, si on se base sur une mensualité constante (ce qui est peu probable) !

Il est inévitable qu’avec l’inflation structurelle, les ménages vont revoir à la baisse le niveau de leurs projets immobiliers. La capacité d’emprunt va continuer de diminuer. L’apport va constituer la seule vraie variable d’ajustement.

 

Il y a trois problèmes

 

Mais il y a trois problèmes :

  1. l’apport requis moyen pour l’achat d’un bien immobilier est à un seuil de sensibilité inédit. Il faut 20 % du montant de l’achat désormais pour obtenir un crédit bancaire ;
  2. tous les Français n’ont pas un apport suffisant et ;
  3. on imagine mal que les ménages n’augmentent pas leur épargne de précaution dans le contexte actuel (ce qui va automatiquement réduire le montant de l’apport). Un gros ralentissement du marché de l’immobilier paraît inéluctable.

 

En arrière-plan, le problème des normes environnementales

 

S’ajoute à cela un autre problème de fond : les normes environnementales. La pression réglementaire s’intensifie avec une exigence accrue de performance énergétique et environnementale dans le secteur du bâtiment, l’obligation de recourir à des matériaux écologiques etc. (norme RE2020 entre autres).

C’est certainement nécessaire au nom de la transition énergétique et climatique. Mais à court terme, cela augmente en théorie les prix de la construction et donc les prix de vente. Dans un contexte économique normal de croissance, un prix d’équilibre raisonnable à la fois pour les vendeurs et les acheteurs serait trouvé. C’est totalement différent dans le contexte actuel. Avec une demande solvable qui se réduit drastiquement, l’ajustement à la baisse pourrait être douloureux.

 

Paris, un cas à part toutefois

 

Il y a la France et Paris. La capitale est un cas à part. Les prix de l’immobilier sont passés récemment sous les 10 000 Є le mètre carré selon Century21*. C’est un symbole fort. Mais attention, Paris, ce n’est ni Tel Aviv, ni Amsterdam, ni Hong Kong. Le marché immobilier parisien est surévalué (personne ne peut dire le contraire) mais il est difficile de considérer que c’est un marché en situation de bulle spéculative.

Pour rappel, une bulle se définit en économie comme l’augmentation excessive du prix d’un actif sans lien avec sa valeur intrinsèque. C’est difficile d’appliquer cette définition au marché immobilier parisien.

Le risque de baisse à Paris est plus limité

Le risque de baisse à Paris est plus limité qu’ailleurs en France. Cela s’explique par deux raisons : la faiblesse de l’offre et surtout un segment qui est fortement décorrélé du marché français en raison de la présence importante des investisseurs étrangers. Ces derniers reviennent en masse profitant en particulier de la faiblesse de l’euro.

Dans le 7ème arrondissement de Paris, un appartement sur cinq a été acquis par un étranger au cours du premier semestre 2022 (contre seulement 13 % des ventes sur toute l’année 2020**). Il y a indéniablement un effet taux de change qui joue et qui pourrait être durable.

L’immobilier français va tanguer

L’immobilier français va tanguer. C’est une évidence. Marc Touati et consorts auront finalement raison (avec beaucoup d’années d’avance). Mais la baisse sera encaissable. Rien à voir avec les Etats-Unis ou d’autres marchés en tension comme l’Australie et le Canada.

Il faut surtout que le marché s’habitue aux nouveaux fondamentaux et que nous passions le plus dur de la crise en cours (à savoir la récession et que le pic d’inflation soit derrière nous). A moyen terme, il fait peu de doutes que l’immobilier reste un investissement intéressant. Il faut entrer (ou sortir – en fonction de la position de chacun) au bon moment.

 

 

 

*Les données communiquées par Century21 ne prennent pas en compte les transactions dans le luxe. Pour d’autres acteurs, qui ont une vision plus large du marché, à l’instar de la commission des statistiques des notaires du Grand Paris, les prix immobiliers sont toujours supérieurs à 10 000 Є le mètre carré.

**Passage à vide de la période Covid.

 

 

 

 

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