Le coup final a été porté par l’administration Trump. En lançant une guerre commerciale tous azimuts, qui concerne les taxes douanières mais aussi les exportations de semi-conducteurs et l’accès à des terres rares essentielles pour les hautes technologies, Trump a fragilisé tout le segment de la tech américaine. Résultat, Nvidia, qui était pourtant la valeur phare en bourse ces deux dernières années, a chuté de 26% depuis le 1er janvier. Son cours évolue désormais légèrement en-dessous du seuil symbolique de 100 dollars. Toutes les entreprises de ce compartiment de marché font face à la même situation. Même Salesforce, qui avait initialement bénéficié du choc DeepSeek, est en chute libre avec une baisse de son action de 27% depuis le début de l’année*.
Temps difficiles
Les mauvaises nouvelles pour le secteur s’accumulent. Après une période de surinvestissement, beaucoup d’entreprises réduisent la voilure dans l’IA. C’était attendu. Mais ça tombe au pire moment. En début de semaine, AWS, la division cloud d’Amazon, a confirmé à demi-mot son intention de suspendre certaines discussions entamées au niveau international pour accéder à des data centers. Cela fait suite à des décisions similaires de Microsoft. Les deux géants du cloud, après avoir dépensé des milliards de dollars au cours d’une phase d’expansion agressive, semblent désormais plus hésitants et inquiets pour l’avenir. Qui est le principal perdant ? Nvidia dont une grande partie des revenus sont tirés des besoins liés au data center. L’entreprise prépare l’avenir, notamment en misant beaucoup sur la combinaison entre IA et robotique. Mais les retombées financières en la matière vont mettre du temps. D’ici là, ça risque d’être un peu compliqué pour l’entreprise qui a toutefois la chance d’avoir une réserve de cash énorme lui permettant
de faire le dos rond pendant cette période de disette.
Des résultats trimestriels moins impressionnants
Combien de temps durera la traversée du désert pour les entreprises tech américaines ? Difficile de le savoir avec exactitude. La baisse des investissements dans l’IA ne constitue pas nécessairement un problème. Le marché va devoir s’habituer à des résultats trimestriels moins impressionnants. Soyons réalistes, après une phase d’expansion massive pendant plusieurs années, une période de modération était inévitable Cela pourrait être d’ailleurs bénéfique. Cela pourrait inciter des entreprises comme Nvidia, qui est très dépendant des géants de la tech américains, à diversifier sa base clientèle en direction des entreprises de taille intermédiaire et des gouvernements. C’est un souhait à maintes reprises exprimé par les analystes qui suivent l’entreprise.
En outre, la montagne de cash que possèdent les grandes entreprises de l’IA leur permet de continuer à investir massivement dans des algorithmes plus efficaces, moins dispendieux et qui vont pouvoir avoir des applications à long terme en robotique – le prochain chantier majeur pour l’IA où seuls les Japonais et les Américains ont une réelle avance, pour le moment. Dernier point, la valorisation des valeurs technologiques n’est désormais plus un problème. En début d’année, on pouvait légitimement s’interroger à ce sujet. À l’exception de Tesla, qui est un cas à part, toutes les entreprises technologiques américaines évoluent à des niveaux de valorisation attrayants. Prenons AMD qui est coté sur le Nasdaq. Son ratio cours sur bénéfice est désormais à 24,3. Au cours des huit dernières années, ce fut systématiquement une zone d’achat de l’action. Une configuration similaire est présente pour Meta, Google, Nvidia, Amazon etc.
L’inconnue Trump
Selon nous, le seul problème majeur qui empêche un retour rapide des acheteurs sur ces entreprises, c’est la politique erratique de l’administration Trump. Pour la première fois depuis des décennies, on observe une défiance des investisseurs institutionnels à l’égard des actifs en dollar, ce qui les incite à se délester des actions et des bons du Trésor américain. C’est inédit. Comment expliquer cela ? Beaucoup craignent une dévaluation unilatérale du billet vert par l’administration Trump. À ce stade, c’est une hypothèse qui n’a rien de crédible. Mais on sait que certains au sein du gouvernement américain militent en faveur de cette solution qui pourrait, certes, relancer les exportations mais aussi provoquer une fuite massive des capitaux des États-Unis. Nous doutons qu’une dévaluation se produise. En revanche, il est logique de réduire son exposition au marché américain, en attendant d’y voir un peu plus clair.
Cela ne veut évidemment pas dire qu’il faille tirer un trait définitif sur les actions technologiques américaines. Si vous possédez des actions Nvidia ou Apple en portefeuille soit en direct soit via des fonds actions, il faut les conserver. Comme le dit le dicton boursier, « pas vendu, pas perdu ». Ce sont des actions qui peuvent connaître un rebond de 30% voire 50% en un an lorsque la situation politique aux États-Unis se sera stabilisée.
Est-ce le bon moment pour se renforcer ?
Probablement pas. On voit que les seuls acheteurs pour le moment sont les particuliers américains qui se ruent, à leurs risques et périls, sur des ETFs à effet de levier. Les institutionnels, qui ont une force de frappe majeure sur le marché, se tiennent en retrait. Ils craignent – à tort ou à raison – une nouvelle phase baissière en mai à l’approche de l’expiration du moratoire de 90 jours sur les droits de douane réciproques.
Notre conseil : tenez-vous à l’affût et n’essayez pas de déceler le point bas du marché, c’est impossible. Suivez les flux et notamment les positions des institutionnels et des fonds spéculatifs. Quand vous déciderez de revenir sur les valeurs tech américaines, allez-y progressivement par petits versements programmés. C’est le meilleur moyen de lisser le risque et de bénéficier du rebond qui finira tôt ou tard par se produire.
*Beaucoup d’analystes espéraient que cela aurait permis à Salesforce de réduire la voilure dans les investissements IA et de se concentrer, en particulier, sur les rachats d’actions.